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Métadata, royaume d’un borgne au pays des aveugles.
Charlie Roquin publie cette année son premier roman, Métadata, aux Éditions Most. On ne serait pas loin d’y lire l’échec des promesses d’HEC : le héros, lucide et désabusé, trop intelligent pour le rôle que chacun voudrait lui faire jouer, au travail et dans son couple, se regarde s’enfermer dans une vie qu’il n’a pas choisie. Charlie Roquin décrit avec une justesse grinçante les paradoxes de la vie parisienne moderne : son héros, François Martinez, fait du sur-place dans un poste qui n’est pas à la hauteur de ses capacités, et rentre le soir tourner comme un hamster en cage dans la coquille vide d’un couple frustré.
Il pourrait répondre au snobisme de sa copine, qui voudrait en faire le modèle du bobo rangé. Il pourrait s’opposer aux manipulations de ses collègues et de ses managers, qui profitent de son manque d’ambition pour alimenter la leur. Seulement, François Martinez refuse de jouer ce jeu. Il ne s’oppose pas, il n’entre pas en résistance. Mais il répond à la pression sociale par la satire, et à l’absurdité de son travail par la fantaisie. Métadata cache, sous un vernis frivole, une profonde critique d’un monde moderne vide de sens et d’idéal.
Excel-style
Quelle solution à ce paradoxe de la modernité, où toute tentative de se libérer aboutit à l’isolement et ses contraintes ? Le narrateur n’a pas la réponse, et laisse la porte ouverte à, on l’espère, un prochain tome… L’auteur, en revanche, a trouvé un moyen original de concilier ses vocations : il travaille à temps partiel dans une entreprise de modélisation et de développement financier, et profite de son temps libre pour écrire un nouveau roman, qui promet d’être aussi drôle et acide que le précédent.
MAC, rassurez-vous, cette conciliation est possible ! Charlie Roquin l’affirme : « j’ai fait le choix de dissocier mon métier et la culture, mais 1) je mets de la créativité dans mon taf 2) j’aime bien avoir deux facettes dans ma vie, deux parties dans mon cerveau : l’une se régénère pendant que l’autre travaille. » Nous nous en doutions déjà en master, à étudier des cas aussi divers que Pixar, le Cirque du Soleil ou l’équipe de France de natation : la créativité n’est pas l’apanage des métiers artistiques.
Inversement, la création ne se limite pas au mystère de l’inspiration : elle s’enrichit aussi d’autres disciplines, se travaille, se construit avec méthode. Aussi à l’aise avec les mots qu’avec les tableaux Excel, Charlie Roquin le prouve en alimentant un reporting des expressions qu’il utilise le plus, pour mieux comprendre et alléger son style. Ses phrases précises, ses mots justes, sont le fruit d’heures de relectures minutieuses.
L’auteur de Metadata ébauche un éloge de la pluridisciplinarité, où la modélisation financière ciselle l’écriture, tandis que l’écriture mesure l’étrangeté du quotidien, pour continuer de s’en inspirer et de s’en émerveiller.